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Oct 15, 2023

Comment les petits raviolis français sont entrés dans le patrimoine gastronomique du Dauphiné

Ravioles Mère Maury est l'un des producteurs d'origine à Romans; Les ravioles françaises sont plus petites que les ravioles italiennes avec une pâte plus fine Photo : Ravioles Mère Maury

A deux cents kilomètres à vol d'oiseau des Alpes depuis Turin, la raviole italienne a un cousin français moins connu : la « raviole du Dauphiné », spécialité culinaire de Romans-sur-Isère, dans la Drôme, et du Royans, petite région voisine.

Il partage la forme du ravioli, carré avec des bords délicatement dentelés, mais la similitude s'arrête là.

La raviole est plus petite (2 x 2,3 cm), plus légère, avec une pâte plus fine et une légère garniture de fromage et de persil.

Enfin, les ravioles sont généralement présentées en feuilles de huit rangées de six ravioles que l'on glisse simplement dans l'eau frémissante pendant 60 secondes pour les cuire et les séparer.

"Personnellement, je les poche une minute et j'ajoute un peu de beurre qui fond dessus", explique Grégory Manoukian, co-gérant de Ravioles Mère Maury, le producteur incontournable de ravioles à Romans.

"On peut aussi ajouter un très fin filet de crème fraîche et j'aime bien râper quelques lamelles de parmesan dessus, ça donne du piquant.

« Et une fois qu'on les a goûtées, on découvre que les pâtes sont légères et délicates, la garniture onctueuse et savoureuse. C'est que le persil libère son arôme dès qu'il est cuit.

"Mais pour avoir ce goût particulier et fin qui caractérise la raviole, il faut qu'elle soit réalisée selon une recette précise qui se transmet de génération en génération."

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D'origine modeste, la raviole (prononcez "ra-vee-ohl") serait née vers le XVIe siècle dans les forêts denses du Vercors, un massif montagneux près des Alpes françaises à cheval sur les départements de l'Isère et de la Drôme.

Des bûcherons italiens du Piémont venus y travailler se sont mis à confectionner des raviolis fourrés, à défaut de viande, de fromage et de persil.

Les bûcherons français n'ont pas tardé à les imiter et les premières ravioles ont finalement fait leur chemin jusqu'à Romans, la ville la plus proche.

Les habitants ont ensuite innové en ajoutant du Comté, un fromage fabriqué dans l'est de la France.

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A la fin du 19ème siècle, c'est l'âge d'or des "ravioleuses", ces femmes qui vont de ferme en ferme confectionner des ravioles pour les fêtes de famille.

Puis, en 1904, Marie-Louise Maury, fille et petite-fille de ravioleuse et surnommée "Mère Maury", commence à servir des ravioles dans son café et devient rapidement la première cuisinière à les commercialiser.

Photo:Grégory Manoukian, co-manager of Ravioles Mère Maury with portrait of Marie-Louise Maury; Credit: Ravioles Mère Maury

Véritable célébrité locale et personnage charismatique, son succès a encouragé d'autres à suivre ses traces.

Mais la Première Guerre mondiale porte un coup à la consommation de ravioles, les ravioles disparaissent peu à peu et vers 1930, seuls quelques restaurants à Romans servent des ravioles.

Elles seraient peut-être tombées dans l'oubli si, dans les années 1950, Maurice Donnadieu, le petit-fils de la Mère Maury et Emile Truchet, son disciple, n'avaient chacun inventé des machines pour faire des ravioles à plus grande échelle.

La production est relancée et Romans s'affirme comme la capitale de la raviole, l'une des spécialités gastronomiques emblématiques de la ville aux côtés de la "pogne", une brioche à la fleur d'oranger.

Aujourd'hui, il ne reste plus qu'une demi-douzaine de producteurs de ravioles à Romans et aux alentours, dont la Mère Maury, rachetée dans les années 1990 par la famille Manoukian.

Sa grande fierté est d'utiliser la recette originale et les techniques léguées par Marie-Louise Maury.

Le procédé est assez simple : farine, eau, huile végétale et œufs entiers sont mélangés.

La pâte est ensuite pétrie et passée plusieurs fois dans un laminoir afin qu'elle devienne très fine.

La garniture, à base de Comté, persil blanchi, sel, beurre, œufs et fromage de vache frais, est étalée sur le dessus.

L'ensemble est recouvert d'une deuxième feuille de pâte et scellée à la première.

A l'aide d'un moule, les ravioles reçoivent leur forme spécifique.

Ils sont ensuite réfrigérés ou congelés avant d'être emballés.

"Laminer, c'est comme utiliser un gros rouleau à pâtisserie", explique Grégory Manoukian.

"A l'origine, tous les producteurs de raviolis laminaient parce qu'ils n'avaient pas d'autre choix. Plus tard, les Italiens ont développé de grosses machines qui fonctionnent par extrusion : la pâte est poussée contre un mur avec une fente étroite.

"Une presse force la pâte à travers la fente créant une feuille de pâte.

"Les fabricants de raviolis les ont adoptés parce qu'ils sont plus faciles et plus rapides. Nous, par tradition, préférons le laminage.

"Nos machines sont fabriquées à Génissieux, dans la Drôme. C'est une version améliorée de la "raviolatrice" de Maurice Donnadieu qui fait des ravioles à l'ancienne."

Photo: Traditional raviole press; Credit: Ravioles Mère Maury

Grâce à ce procédé, Ravioles Mère Maury produit, avec une trentaine de salariés, 700 tonnes de ravioles par an dans son atelier de Mours-Saint-Eusèbe, petit village au nord de Romans.

C'est peu comparé aux 10 000 tonnes du Groupe St-Jean, un gros manufacturier dont les produits sont destinés aux supermarchés et à la grande distribution.

Mère Maury vise un marché plus haut de gamme. Ses ravioles sont vendues dans la boutique de Romans, en ligne, et servies dans les restaurants de toute la France.

On les retrouve dans les brasseries et bistrots des chefs étoilés comme Ducasse, Robuchon ou Pic.

En plus de la véritable recette traditionnelle, connue sous le nom de "Véritable Raviole du Dauphiné" et protégée par une IGP et un Label Rouge, Grégory Manoukian a créé des recettes pour satisfaire cette clientèle : truffes, ail noir (spécialité japonaise produite dans la région), foie gras, escargots, cèpes ou basilic.

"Ces produits sont un délice pour les restaurateurs", dit-il.

« Ils adorent les utiliser. La raviole aux truffes, notamment, est un vrai succès : elle représente plus de 10 % de la production.

"Comme c'est vendu congelé, on peut faire plusieurs productions dans l'année et garder un stock constant."

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Pour donner une idée du prix, les ravioles classiques coûtent 11,25 € (neuf feuilles, 3-5 portions, 540 grammes) contre 49 € pour les ravioles aux truffes (5-7 portions, 600 grammes) mais ces dernières sont un peu plus grosses.

"Pour les préparer, souvent les méthodes les plus simples sont les meilleures", précise Grégory Manoukian.

« Par exemple, je mets des ravioles à l'ail noir dans de l'eau frémissante, égoutte et sers avec un filet de bonne huile, du poivre frais moulu, de la fleur de sel et voilà une belle entrée facile.

Idem pour la raviole aux truffes. Tous deux accompagnent également très bien une volaille, un magret de canard ou une viande rouge."

Autre idée, qui marche pour toutes les ravioles : « Vous pouvez les servir frites, à l'apéritif. Il suffit de les pocher dans de l'huile chauffée à 180°. Trempez-les trois secondes cinq fois, pour qu'elles deviennent complètement et uniformément frites.

« Le résultat est de délicieuses petites pépites croustillantes – la raviole explose en bouche.

Inutile de préciser qu'à Romans, les ravioles, qui servent aussi de gratins, soupes et bien d'autres préparations, sont bien implantées dans le paysage quotidien : chaque année s'y déroule la Fête de la Pogne et de la Raviole (27-28 mai pour la 34e édition).

Les producteurs sont regroupés en Association de Défense de la Raviole Véritable du Dauphiné.

Since 2020, the raviole even has its own museum, the Cité de la Raviole, near the old Mère Maury shop.

Et un bar à ravioles, joliment appelé La Raviolista, doit ouvrir prochainement dans le centre-ville.

"Nous avons ici un patrimoine culinaire extraordinaire", raconte Grégory Manoukian, qui fait aussi des ravioles au chocolat.

"Nous le défendons bec et ongles."

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